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La méthode des vitesses radiales

— 6 septembre 2022 —



On peut savoir qu'un élephant marche dans la pièce d'à côté sans pour autant le voir, grâce aux vibrations qu'il provoque à chacun de ses pas. Le même principe est appliquable aux exoplanètes : on peut détecter l'effet de leur présence sans pour autant détecter leur présence (nuance subtile mais importante !). C'est cette logique qui permet à la méthode des vitesses radiales de découvrir de nombreuses exoplanètes autour de leur étoile !

Afin d'appréhender cette méthode de détection, il convient de comprendre trois concepts clés : la vitesse radiale, l'effet Doppler, et la loi de la gravitation.

 

Illustration

Décalage en longueur d'onde du spectre d'une étoile (effet Doppler) dû à l'effet d'une exoplanète (Source : ESO)

 

Pour commencer, qu'est ce qu'une vitesse radiale ? Tout corps en mouvement (voiture, avion, étoile...) possède une composante de sa vitesse qui est orientée vers l'observateur (un radar, une tour de contrôle, un télescope...). C'est comme si on traçait une ligne droite entre un corps en mouvement et l'observateur, et qu'on essayait de savoir à quelle vitesse le corps se rapproche (ou s'éloigne) de l'observateur en suivant cette ligne : c'est la vitesse radiale. 

Ensuite, lorsqu'un corps s'approche ou s'éloigne de l'observateur, ce dernier va percevoir une modification de la fréquence des ondes qu'il reçoit du corps en mouvement. Concrètement, lorsqu'un véhicule de police avec une sirene s'approche de vous, le son de la sirene deviendra plus aigue à mesure qu'il s'approche, et dès qu'il vous dépassera en s'éloignant la sirene semblera devenir plus grave. Cet effet sonore lié à l'approche et/ou à l'éloignement d'un corps émettant des ondes (ici des ondes sonores) s'appelle l'effet Doppler. Il s'applique bien entendu également aux ondes électromagnétiques, donc à la lumière. Par exemple lorsqu'un objet s'éloigne de vous, il paraitra légèrement plus rouge, tandis que s'il s'approche il sera légèrement plus bleu. Vous me direz que vous n'avez jamais remarqué ça dans la vraie vie, et c'est normal puisque à des faibles vitesses ce décallage de couleur est beaucoup trop infime pour être perçu. Il devient en revanche décelable avec des instruments spécialisés (des spéctroscopes) en observant des objets se déplaçant très vite comme les galaxies (d'où ce que l'on appelle le redshift lié à l'expansion de l'Univers)... ainsi que les étoiles ! 

Enfin, les lois de la mécanique céleste décrites par Kepler (découlant des lois de la gravitation, notamment énoncées par Newton) permettent de connaitre l'effet gravitationnel précis d'un corps de masse A sur un corps de masse B, et inversement. La force de gravitation étant attractive, ces deux corps vont s'attirer l'un l'autre et finir par se rentrer dedans. Mais si au moins un des corps possède une vitesse initiale non nul, alors celui ci s'approchera de l'autre sans pour autant lui rentrer dedans (il passe à côté par exemple) ce qui aura pour effet de l'attirer et de le mettre également en mouvement. Les deux corps vont alors s'intaller dans un mouvement d'attraction réciproque menant à une trajectoire cyclique (périodique) que l'on appelle l'orbite. Si le premier corps est extrêmement massif comparé au deuxième (comme le Soleil et la Terre) alors le premier ne bougera (quasiment) pas, tandis que le second orbitera autour. En revanche si la différence de masse est moins grande, ou au minimum que le deuxième corps est plus massif (comme Jupiter) alors il pourra déplacer le premier corps et l'ensemble des deux semblera orbiter autour d'un barycentre commun.

 

Nous possédons maintenant les trois ingrédients pour détecter une exoplanète, la procédure pour y parvenir est la suivante :

  1. Mesurer le spectre d'une étoile grâce à un spectroscope
  2. Analyser le spectre pour déceller un décallage d'une raie spectrale vers la gauche ou la droite (= vers le bleu ou le rouge)
  3. Calculer grâce à l'effet Doppler précédemment mesuré la vitesse radiale de l'étoile (l'étoile s'éloigne ou se rapproche à peu de nous)
  4. Calculer grâce à la loi de la gravitation la masse minimale que devrait avoir une planète pour avoir un tel effet sur l'étoile
  5. Répéter les étapes 1 à 4 à différents moments (quelques jours d'intervalles) pour vérifier si nous obtenons des résultats cohérents entre eux (décallage en longueur d'onde différent signifant que la planète tourne autour de l'étoile, et masse calculée de la planète toujours similaire)

 

Comme vous l'aurez compris, la détection d'une exoplanète par mesure de la vitesse radiale d'une étoile n'est possible que si la planète est suffisament massive pour déplacer son étoile.

 

Illustration

Interactions gravitationnelles entre une planète et son étoile, avec leur trajectoire respective

 

Le gros point positif de cette méthode est qu'un petit déplacement de l'étoile peut suffire pour mesurer une vitesse radiale, même de juste quelques centimètres : c'est la précision des instruments d'aujourd'hui !

 

Parmi les points "négatifs" de cette méthode on peut citer les difficiltés inhérentes à sa mise en pratique. En effet pour détecter le décallage en longueur d'onde (effet Doppler) sur un spectre d'étoile, il est nécessaire d'étalonner ce spectre, c'est à dire de connaitre sa version sans décallage (c'est logique, sinon on penserait que le spectre est normal et qu'il n'y a aucun effet). Cela nécessite de pointer d'abord une autre étoile ou bien d'utiliser une capsule de gaz dont les raies spectrales sont bien connues pour étalonner l'instrument d'observation (le spectroscope). Cependant cette "difficulté" est une étape d'utilisation commune à tous les spectroscopes (astronomiques ou pas) et des solutions d'étalonnages facilitées ou quasi-automatisées sont utilisés par les professionnels des grands observatoires, ce n'est donc pas un point négatif terriblement problématique... contrairement au suivant.

Tout comme l'observation d'un transit exoplanétaire, la mesure des vitesses radiales ne peut s'effectuer que si l'exoplanète que l'on détecte se trouve dans le plan de l'angle d'inclinaison. Quel est cet angle ? C'est celui qui différencie notre position d'observation (la Terre) et le plan de "rotation" du système solaire visé (c'est à dire le plan sur lequel rotationne l'étoile et sur lequel les planètes complètent leur révolution). Le gros problème est que cet angle est bien souvent... inconnu. Pourtant, c'est un paramètre très important dans le calcul des orbites et de tous les autres paramètres intéressants (stellaires, planétaires...), et notre inconnaissance induit des incertitudes dans toutes les valeurs que l'on peut calculer par la suite (masse des planètes, période de révolution...).

Pire que ça, toutes les exoplanètes ne se trouvant pas dans le plan de cet angle seront tout simplement invibilisées à nos yeux : aucune donnée les concernant ne sera obtenu par les instruments. C'est un problème commun aux autres méthodes de détection (comme celle du transit) mais cela n'en reste pas moins très génant puisque beaucoup de planètes passent forcément sous nos radars à cause de cela, et ne seront donc jamais détectées (pas par cette méthode en tout cas).

 

Illustration

Une exoplanète (avec une exolune) déplaçant son étoile, la rendant détectable par la méthode des vitesse radiales

 

La première exoplanète découverte en 1989, HD 114762 (un nom très poétique), l'a été grâce à la méthode des vitesses radiales. Par suite, jusqu'en 2010, l'écrasante majorité des nouvelles exoplanètes ont été découverte par cette méthode. Depuis, la méthode du transit est devenue la méthode de détection dominante (plus de 76% des découvertes) mais celle des vitesses radiales est juste derrière avec plus de 18% des nouvelles détections (soit plus de 900 exoplanètes !). Cette technique a donc encore un bon avenir devant elle malgré l'intérêt croissant pour la spectroscopie de transit.

 

L'énorme avantage de la méthode des vitesses radiales par rapport au transit est que l'effet Doppler permet de détecter toutes les planètes massives (typiquement les gazeuses et plus grandes) à proximité de leur étoile (suivant le plan d'observation), même si elles ne passent pas devant cette dernière (ce qui est fondamentalement nécessaire pour la détection par transit). Par conséquent, une observation suffisament longue du spectre d'une étoile permettra toujours *en théorie* de détecter toutes les exoplanètes massives orbitant autour. La seule limite à cette technique est la précision de mesure des vitesses radiales (et l'espoir d'être dans le même plan que le système solaire visé). Plus une planète est "légère" ou éloignée de son étoile, et plus le décallage Doppler sera faible, nécessitant donc une grande résolution pour qu'il apparaisse sur les mesures. Heureusement, la résolution des télescopes ne cesse d'augmenter génération après génération, avec une précision 2000 fois meilleure aujourd'hui qu'elle ne l'était il y a 30 ans, et devant le devenir encore 50 fois plus avec le Télescope Géant Européen (ELT) actuellement en construction au Chili.

 

Nous avons vu à travers cet article le fonctionnement de la méthode de détection d'exoplanètes par la mesure des vitesses radiales permettant de découvrir un effet Doppler dans le spectre d'une étoile, ainsi que les avantages et les points faibles de cette technique, puis ses performances historiques et enfin les espérances futurs grâce à une précision encore plus grande !

Les découvertes clés ne se feront peut être pas avec la physique des vitesses radiales, mais il est sûr que cette méthode a encore un rôle à jouer dans l'exploration de notre Galaxie !

 

À bientôt dans l'espace !



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