La réalité des systèmes multi-étoiles
— 10 avril 2024 —
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Saviez-vous que la majorité des systèmes solaires possèdent deux étoiles plutôt qu'une seule ? C'est une configuration stellaire qu'il est difficile de s'imaginer en tant que civilisation vivant avec un seul Soleil. Vivre dans un tel système est pourtant possible, et cela offre même des phénomènes uniques. Essayez d'expliquer à une société extraterrestre n'ayant pas de lune ce qu'est une éclipse ! Et bien c'est à peu près ce qu'on va essayer de faire en expliquant à nous autres terrains ce que serait le quotidien sur une planète d'un système à deux étoiles.
Notre monde est éclairé par un seul et puissant Soleil de type G, nous donnant à penser que cette configuration devrait être commune aux autres mondes extra solaires. Néanmois, il n'en est rien. Il existe des systèmes dans lesquels plusieurs étoiles se tournent autour, et c'est ce que l'on appelle des systèmes multiples. Lorsque deux étoiles sont présentes, il s'agit d'un système binaire. Lorsqu'il y a trois étoiles, un système triple, et ainsi de suite. Cela va loin, car notre connaissance s'étend aujourd'hui jusqu'aux systèmes sextuples (6 étoiles). Il convient cependant de comprendre ce qu'on entend par "système" car les grands titres médiatiques donnent régulièrement à imaginer des configurations astronomiques spéctaculaires qui ne pourraient pas être plus éloignés de la réalité. Un système solaire est en fait un ensemble d'objets astronomiques (étoiles, planètes, météores, etc) liés par une force qui les fait intéragir entre eux. Puisqu'on parle d'astronomie, la force en question est évidemment la force gravionnationnelle. Pour qualifier un système solaire de "binaire" il faut donc que deux étoiles soient gravitionnellement liées. Bien souvent ces étoiles sont proches de quelques unités astronomiques (la distance entre le Soleil et la Terre) mais il arrive qu'elles soient distantes de plusieurs années-lumière !
Le système multi-étoiles Alcor et Mizar dans la Constellation de la Grande Ourse (Daniel Johnson et Bob King)
Prenons l'un des systèmes solaires multiples les plus impressionants : celui d'Alcor et Mizar, deux étoiles situées à 80 années-lumière de la Terre. Vous pouvez l'observer vous même en pleine nuit, il suffit de cibler l'étoile centrale de la "poignée" de la Grande Ourse. Avec un petit zoom ou une bonne vue, vous distinguerez en réalité deux étoiles. Ces étoiles, Alcor et Mizar, sont distantes d'un quart d'années-lumière, soit environ deux milles milliards de kilomètres. Avec un bon téléscope, on peut détecter une troisième étoile "proche" de Mizar, qui correspondent en fait à Mizar A et Mizar B. Puis avec un instrument d'encore meilleur résolution et un traitement d'images, chacune de ces trois étoiles dévoile la présence d'un autre compagnon stellaire, faisait de ces étoiles des systèmes binaires ! On se retrouve alors avec trois systèmes binaires liés gravitionnement entre eux, donc 6 étoiles : un système solaire sextuples !
Il faut garder à l'esprit cependant qu'il n'y a pas encore de conscensus scientifique sur le fait que toutes ces étoiles soient réellement liées entre elles notamment à cause de l'importante distance séparant Alcor et Mizar (les incertitudes de mesure font varier cette distance de 0,25 à 3 années-lumière, influant directement sur la possibilité d'une liaison gravitionnelle compte tenue de leur masse respective). Toujours est-il que ces étoiles sont un très bon cas d'études pour la diversité des systèmes solaires multiples.
Illustration de l'orbite d'étoiles binaires autour de leur barycentre (Caltech, IPAC, R.Hurt)
Il y a une dizaine d'années, les systèmes solaires "simples" (c'est à dire constitués d'une seule étoile) étaient estimés ne représenter qu'un tier des systèmes solaires existants. Plus de 50% seraient en fait des systèmes binaires, dans lesquels deux étoiles sont liées gravitationnellement. Le reste seraient des systèmes triples, quadruples et ainsi de suite dont la fréquence d'apparition diminue avec le nombre d'étoiles. Aujourd'hui cette répartition est remise en doute, bien que les systèmes simples et binaires sont effectivement les plus fréquents, d'après les données actuelles. Il n'est en revanche pas encore possible de déterminer avec précision le pourcentage de systèmes simples et binaires dans l'Univers.
Mais revenons-en aux certitudes avec les principaux systèmes multiples connus à proximité. On peut commencer par citer Alpha Centauri, le système solaire le plus proche du notre à seulement 4,3 années-lumière, qui est composé de trois étoiles, faisant de lui un système triple. Autour de sa troisième étoile, Proxima Centauri (distante de 0,1 année-lumière de l'étoile principale), se trouve même une exoplanète potentiellement habitable ! Mais on reviendra sur ce sujet très bientôt.
Sirius, l'étoile la plus brillante du ciel nocturne, est l'objet principal d'un système binaire. Située à seulement 8,3 années-lumière de la Terre (5ème système solaire le plus proche du notre), Sirius est accompagnée d'une naine blanche à une distance moyenne de 19,5 unités astronomiques. Cette proximité rend cette étoile très difficile à distinguer à cause de la luminosité de Sirius très largement dominante.
Photographie de Sirius, l'étoile la plus brillante de la voute celeste (Astrosystem, Adobe Stock)
Après avoir passé en revu les différents types de systèmes solaires multiples, il est temps de regarder ce qu'il se passe du côté des exoplanètes orbitant de tels systèmes. En définissant les différentes orbites possibles, on peut ensuite imaginer ce à quoi ressemble le quotidien à la surface des exoplanètes. Dans le cas des systèmes simples, les orbites sont assez triviales dans la mesure où elles sont systématiquement elliptiques, voire circulaires. Ce sont les orbites qu'on connait dans notre Système Solaire. Vénus, la Terre, Mars ont tous une orbite quasi circulaire, ce qui garantie une certaine constance dans les conditions (notamment thermiques) à la surface de ces planètes. Dans le cas des systèmes binaires, les possibilités sont plus nombreuses...et exotiques.
Dans un système binaire, deux étoiles orbitent autour d'un foyer commun, le barycentre du système. Si une planète se trouve dans ce système, la question est alors de savoir autour de quelle étoile elle orbite, ou si elle orbite autour des deux en même temps, et de quelle manière. Il existe alors trois principaux types d'orbites dans un tel système :
D'autres formes d'orbite pourraient bien sûr être imaginées, comme par exemple une planète qui orbiterait tantôt autour d'une étoile et tantôt autour de l'autre (une sorte d'orbite de type S hybride) suivant une trajectoire rappelant le symbole de l'infini. Mais en poussant un peu la physique d'une telle configuration, on réalise qu'elle est instable par nature et qu'une planète située sur une telle trajectoire finira par s'écraser sur l'une des étoiles, ou par se faire éjecter du système.
Essayez d'imaginer une orbite planétaire dans un système solaire binaire différente des trois grands types définis ci-dessus, puis cherchez à savoir si une telle trajectoire est stable ou non. C'est un très bon exercice de mécanique céleste, car bien avant les lointaines exoplanètes, c'est le genre de reflexion qui doit être menée pour définir la trajectoire d'un vaisseau spatial (sonde, satellite...) à travers propre système solaire, comme pour se rendre sur la Lune ou sur Mars. Si vous vous lancez dans un tel calcul, n'oubliez pas de considérer que la masse de l'exoplanète est insignifiante comparée à celle des étoiles, et que le mouvement de ces dernières n'est donc pas influencé par la planète. Sans ce petit détail, on se retrouve face à problème à trois corps, dont la simple mention donne des migraines à 8 astronomes sur 10. C'est aussi pour cette raison que nous n'expliquerons pas les orbites des systèmes solaires triples, quadruples, etc, car cela impliquerait de sortir du cadre de la gentille algèbre linéaire pour rentrer dans celui de la modélisation physique nettement plus ardente (mais très amusante, ce qui pourrait faire un excellent article !).
Maintenant que ces considérations orbitales ont été traitées, il est enfin temps de se poser à la surface d'un de ces mondes évoluant dans un espace à deux étoiles.
Schéma des principaux types d'orbites d'un système binaire (Institut d'astryphusique, Universität Wien)
Les réacteurs de notre vaisseau Starship viennent de s'éteindre après une furieuse rentrée atmosphèrique sur Pinet-c, une exoplanète tellurique potentiellement habitable décrivant une orbite circumsecondaire de type S. Cette planète a la facheuse caractéristique de présenter toujours la même face à son étoile, comme le fait la Lune avec la Terre. C'est ce qu'on appelle une rotation synchrone. Ainsi plus de la moitié de son atmosphère est tellement brullante qu'aucune eau ne peut y rester à l'état liquide. Une partie de l'air chaud est cependant amenée par convection vers la face "cachée" de Pinet-c, permettant d'élever la température à environ une dizaine de degrés celcius à l'équateur. L'étoile secondaire est en orbite circulaire autour de l'étoile principale, et la période de révolution de Pinet-c autour de l'étoile secondaire est de 314 heures. Ainsi, toutes les 157 heures, le jour se lève sur la face cachée de Pinet-c, avant de se coucher pour une durée de 157 heures. Durant cette longue journée (équivalente à 6,5 jours terrestres), le rayonnement de l'étoile principale réchauffe l'atmosphère jusqu'à près de 30°C ! L'eau liquide y coule alors à flot, et tous les Pinetiens sortent en maillot de bain !
Quelques années plus tôt, une sonde de reconnaissance de la République des Planètes Unies (R.P.U.) s'écrasa sur un monde peu connu dénommé Tatooine. Cette planète suit une orbite circumbinaire autour d'une étoile de la séquence principale et d'une naine rouge. Cette dernière, bien que moins grande, s'approche tous les 210 jours à seulement 70 millions de kilomètres de Tatooine, vaporisant toute eau à la surface pendant plusieurs jours. Cette exoplanète est ainsi recouverte d'une mer de dunes, déserte de végétation, où les seules créatures vivantes ont appris à s'enfouir sous le sable durant ces épisodes d'intenses canicules. Du reste, l'atmosphère y est sec mais respirable, et les jours sont assez similaires à ceux sur Terre, d'une durée de 35 heures, mise à part un petit détail : deux Soleils sont constamment présents dans le ciel en journée, à des distances toujours différentes mais sans jamais être trop éloignés. De cette façon il arrive périodiquement que la naine blanche passe devant l'étoile principale (et inversement), produisant une éclipse solaire durant laquelle d'étranges phénomènes atmosphériques se produisent. Enfin lorsque vient la nuit, c'est un magnifique coucher de soleil binaire qui colore l'atmosphère d'un rouge ardent, comme en témoigne le cliché transmis par la sonde de la R.P.U..
"Double Sunset" (NASA/JPL Caltech)
Sirius fut l'un des premiers systèmes solaires exploré puis colonisé par l'Humanité. Son éclat spécifique servit longtemps de phare céleste aux instruments de navigation spatiaux afin de se repérer lors des missions en partance du Soleil. Bien que le système Sirius soit doté de deux étoiles et de plusieurs planètes telluriques, aucune d'entre elles n'est adaptée à la survie des êtres humains. Il était cependant nécessaire d'établir une base pour la production d'énergie et la réparation des vaisseaux s'aventurant vers le Centre Galactique. Un astrographe de la Sirius Starship Fleet (S.S.F.) eu l'idée d'établir la base sur la planète naine du point de Lagrange L5 et d'exploiter le cortège d'astéroides l'entourant. À cette position stratégique, la planète naine baptisée Starway (contraction de Stars Gateway signifiant "la passerelle vers les étoiles") est éclairée en permanence par deux étoiles, irradiant sans interruption 70% de sa surface. Cette dernière fut alors recouverte d'un nombre toujours croissant de centrale photovoltaïque, assurant l'autonomie énergétique de la base et alimentant toutes les usines de production d'ergols à partir des ressources minées dans les astéroides environnants. Bien que dépourvu d'atmosphère, Starway fut l'une des exoplanètes les plus visitées par les premiers colons stellaires, cette base industrielle étant un lieu de passage quasiment obligatoire pour se projeter vers les systèmes solaires plus éloignés.
Revenons maintenant sur Terre, dans le moment présent.
Nous avons plongés avec cet article dans la diversité des systèmes solaires multiples. Une, deux, trois, quatre, cinq, ou six étoiles ! Seule notre imagination peut défier la réalité fantastique que recèle l'Univers. Notre expérience de la vie est confinée à une planète bleu englobée d'une fine atmosphère orbitant un Soleil ennuyeux dans un système encore plus banal. Rien ne pourrait être plus excitant que l'exploration spatiale de ces milliers de mondes aux configurations inédites promettant chacun suffisament d'aventures pour contenter toute une vie. À travers ce tour d'horizon astrophysique des systèmes multiples illustrés d'un récit fictif, nous comprenons justement que nos impressionnantes connaissances sont au final bien insignifiantes en comparaison de la mirriade d'objets et de vérités célestes qui nous reste à découvrir. Restez donc curieux, et gardez les yeux grands ouverts pour notre prochaine aventure spatiale sur exoplanetes.fr !
À bientôt dans l'espace !
Références :
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