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S'établir sur la Lune : Missions Artémis

— 10 février 2023 —



Coloniser une exoplanète demandera une préparation extrêmement importante sur les tous plans, notamment scientifiques. Parmi l'un des aspects les plus crutiaux sera le choix de la zone sur laquelle se poser et établir un avant poste. L'endroit doit être adapté à un atterrissage de vaisseau, et doit disposer de suffisamment de ressources pour garantir la survie et l'expansion de la colonie. Ce projet peut sembler lointain -à juste titre- mais il n'est pas déraisonnable de s'y intéresser dès maintenant. C'est en cela que l'exploration de la Lune se révèle être une occasion d'expérimentation et de préparation de premier ordre. Nous étudierons ainsi les plans des missions Artémis, visant à faire de la Lune un nouveau bastion de l'Humanité, sous l'angle du choix stratégique des zones d'atterrissage.

 

Cela peut évident mais se poser sur un autre monde est extrêmement dangereux. Lors de l'historique atterrissage lunaire de 1969, Neil Amstrong et Buzz Aldrin n'était même pas certain que le sol lunaire soit solide. Il était envisagé qu'il puisse être tellement sableux que le module lunaire se serait enfoncé comme dans des sables mouvants. Il était effectivement très sableux, mais pas à ce point fort heureusement. Cela étant dit, de nombreux autres dangers existent à la surface même de la Lune, c'est pourquoi étudier sa topologie est primordiale pour préparer un atterrissage.

 

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Lever de Terre vu depuis la Lune lors des missions Apollo (Crédit : NASA)

 

Le côté cool de cette étude est que n'importe qui peut étudier les terrains lunaires... il suffit d'observer la Lune dans le ciel. On peut déjà voir à l'oeil nue des zones clairs et d'autres plus foncées (qu'on appelle des mers) ainsi que de grands cratères et même des sortes de gigantesques rayures. Ces observations permettent déjà de déduire la présence d'une surface au relief très diversifié, oscillant entre canyons, désert de cratères, et chaine de montagnes.

 

Maintenant qu'on a un aperçu de la surface lunaire, il faut choisir se poser. Le suspense étant inutile, voici là où les atterrissages lunaires seront privilégiés par les missions futurs : Les pôles. Sur Terre le Pôle Nord (aka Arctique) et le Pôle Sud (aka Antarctique) sont les endroits à la surface où il est le plus difficile de survivre, mais sur la Lune... c'est l'inverse. Les raisons vont être explicités dans un instant, mais pour les résumer : l'eau et l'énergie.

Le Pôle Sud de la Lune possède un terrain avec beaucoup de relief. Certaines montagnes font plus de 2300 m d'altitude tandis que des cratères peuvent s'enfoncer jusqu'à 4300 m de profondeur. La lumière provenant du Soleil y effectue un angle de seulement quelques degrés par rapport à l'horizon, ce qui projete de très grandes ombres et créé des zones d'ombres permanantes (appellées des PSR : Permanently Shadowed Regions). Dans de telles zones la température peut descendre à 30K, c'est à dire à peine au dessus du 0 absolu. Un tel froid piègerait toutes matières volatiles à leur état solide. Par exemple si de l'eau se trouve dans une PSR, elle serait forcément sous forme de glace. Par conséquent, si on souhaite trouver des réserves d'eau sur la Lune, il faut chercher dans les PSR ! La production locale d'eau étant essentielle au succès du projet de colonisation de la Lune, on comprend qu'il soit hautement stratégique que les premières bases lunaires soient implantées dans les pôles.

 

Il faut savoir que le terrain lunaire est soumis au vent solaire et est influencé par les impacts réguliers de micrométérorites, les impacts moins fréquents de météorites larges, et dans le passée il fut également sculpté par l'activité volcanique et les mouvements de gaz souterrain. Le sol est composée de régholite, de pyroxène, de basalte, et d'autres roches ainsi que de nombreux minéraux (aluminium, calcium...), sans oublier de grandse réserves souterraines de ressources énergétiques (en particulier l'hydrogène pour ne citer que cela). Comme évoqué au paragraphe précédent, dans certaines zombres ombragés (PSR) et profondes on peut trouver de la glace dans le régolithe, parfois en surface, à un mètre de profondeur, et parfois plus profondément.

Pour sélectionner un terrain adéquat à l'atterrissage il faut déterminer la variation topologique c'est à dire les différentes pentes locales de la zone considérée. Cela permet de se vérifier s'il est possible de s'y poser sans encombre, et s'il sera ensuite facile de s'y déplacer à pied comme en véhicule. Par exemple au délà de 15° d'inclinaison une pente peut entrainer le renversement d'un atterrisseur, tandis que les rovers peuvent traverser des régions avec une inclinaison maximale de 25°. Cependant concernant les angles réellement "sécuritaires", l'atterrisseur lunaire HLS (Starship de SpaceX) de la mission Artémis III doit viser un terrain avec une inclinaison comprise entre 0 et 5° pour s'assurer de se poser sans risque.

 

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La surface lunaire vu depuis le vaisseau Orion lors de la mission Artémis I (Crédit : NASA)

 

Le deuxième énorme avantage des régions polaires est le niveau d'ensoleillement. La majeur partie de la Lune est éclairée 50% du temps, c'est à dire durant le jour (rien de surprenant jusque là). Mais aux pôles, dû à l'inclinaison très faible des rayons solaires par rapport à l'horizon et aux reliefs très particuliers, certains sites peuvent dépasser 80% de temps d'ensoleillement ! Sur ces régions polaires, le jour dure ainsi près de 23 jours, et la nuit 6 jours. Pour rappel la Lune n'a pas d'atmosphère, donc pas de météo, donc pas de nuages... donc pas d'élément susceptible de réduire l'ensoleillement à la surface. Autrement dit, il serait très performant d'utiliser des panneaux photovoltaïques pour assurer la production d'énergie électrique et ainsi garantir l'autonomie énergétique d'une base ou d'une mission lunaire. L'énergie solaire pourrait donc soutenir les activités effectuées à la surface à condition que celles-ci soient menés aux pôles.

Revenons maintenant à l'eau... ou plus précisement à la glace. Elle a déjà été détecté par des mesures neutroniques et par analyses spectrales au Pôle Sud lunaire. Cependant les mesures spectroscopiques rendent incertaines l'identification des molécules à partir des atomes d'oxygène et d'hydrogène. Concrètement il est assez difficile de dire si ce que l'on détecte est réellement de l'H2O (de l'eau) ou des molécules d'OH (hydroxyle). Cette incertitude motive également la nécessité de déployer des explorations de surface pour analyser in situ la nature de ces composées volatiles. De petits robots pourraient ainsi être déployés en guise de missions de reconnaissance avant la venue d'astronautes et l'implantation d'une base permanante.

 

Il est important de rappeller que ces éventuelles substances volatiles telle que l'eau peuvent servir de consommable pour l'équipage, ainsi que de matière de blindage contre les rayonnements extérieurs, mais aussi pour alimenter les propulseurs des fusées. Ce ne sont donc pas juste des ressources interessantes d'un point de vue capitaliste (dans le sens de leur exploitation), mais surtout et avant tout des ressources vitales à la survie humaine sur la Lune.

Un nième élément à considérer pour s'établir sur la Lune est l'alignement avec la Terre. En effet il faut s'assurer que la Terre reste visible la plus grande partie du temps là où on se trouve car un positionnement adéquat permet d'obtenir une communication directe vers la Terre. Ceci est heureusement grandement facilité par le fait que la Lune est en rotation synchrone avec la Terre, c'est à dire qu'elle lui présente toujours la même face (c'est pour ça qu'on parle d'une face "visible" et d'une face "cachée" de la Lune). Concrètement on pourrait se dire qu'il suffit d'établir une base au centre de la face visible pour maintenir une liaison directe et ininterrompu entre la Terre et la Lune. Cependant il est préfèrable de se positionner sur le Pôle Sud pour toutes les raisons évoquées précédemment, et malheureusement cela complexifie la liaison avec la Terre à cause des mouvements de révolution de la Lune qui font périodiquement passer chaque région du Pôle Sud de la face visible vers la face cachée. Il est donc très difficile de maintenir une communication directe avec la Terre 100% du temps. Une base établie au Pôle Sud sera alors coupée de communication directe avec la Terre pendant environ 40% du temps, ce qui n'est pas forcément dramatique, mais n'est pas vraiment optimal non plus (sur le plan de la sécurité par exemple). Pour résoudre ce problème il est par contre totalement possible de mettre en place un relais orbital tel qu'un satellite stationnaire de retransmission, et ainsi conserver un contact avec la Terre durant 100% du temps.

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Cartographie lunaire des sites d'atterrissage du Pôle Sud

Nous connaissons désormais tous les paramètres essentiels à prendre en compte pour identifier des sites d'atterissage et des régions adaptées à l'exploration et l'exploitation. Ce travail d'analyse est en cours par plusieurs chercheurs mais des dizaines de zones ont déjà été délimité et sont considérées par la NASA comme sites d'atterrisage pour les missions lunaires. Citons par exemple les sites 001, 004, 007, 011, 102 et 105

Les sites 007 et 011 sont aujourd'hui des cibles prioritaires puisqu'ils sous soumis à un éclairage plus de 80% du temps et qu'ils possèdent des PSR à proximité, c'est à dire des zones potentiellement riches en eau glacée, tout en se trouvant dans une région large de 15x15 km adaptée à l'atterissage de la mission Artémis III durant laquelle de nouveaux hommes et femmes marcheront sur la Lune. Ces deux sites ont également été identifié comme étant des terrains montagneux semblables à la zone d'atterrisage d'Apollo 16 et comme étant fortement marqués par les impacts de météorites.

 

Le site 007 possède une élévation maximale de 2700 m et une profondeur allant jusqu'à 1700 m, de quoi ouvrir un petit centre d'escalade lunaire pour se détendre après une longue journée à analyser des cailloux. Plus sérieusement, d'après les chercheurs ces dénivelés sont raisonnables et acceptables pour une exploration humaine. La majorité du site présente des inclinaisons locales inférieurs à 25° ce qui permettra effectivement de s'y déplacer en véhicule motorisé sans problème (exepté sur les parois d'escalade qu'il faudra bien sûr contourner). 

Le site 011 est cependant nettement plus sportif. Bien que les variations d'altitude restent similaires (environ 2600 m), les pentes sont spectaculaires avec des inclinaisons souvent supérieurs à 25° autour des cratères. Il existe heureusement des zones d'accès facilités pour traverser ces régions pentues sans se mettre en danger, ce qui autorise malgré tout une exploration sans encombre mais un peu plus technique. Vivement qu'on bétonne tout ça avec des routes et des tunnels pour ne plus se prendre la tête avec ces histoires de rochers pentus (*les écologistes lunaires en sueur*) !

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Analyse topographique des sites 007 et 011

Les zones de 2 km de rayon sont davantages adaptées à des missions d'exploration "à pied" (EVA) tandis que les plus grandes zones de 10 km de rayon conviennent au déploiement de véhicules non préssurisés comme des buggy lunaires ou autre 4x4 de l'espace. La plupart des cratères du site 007 mesurent 5 à 80 mètres de profondeur pour des diamètres de 39 à 621 mètres, tandis que ceux du site 011 présentent 4 à 930 mètres de profondeur avec des diamètres de 27 à 3900 mètres. Se déplacer sur ces sites consiste donc en un exercice de slalom constant, et donc de grande vigilance... Mais ils apportent aussi de grandes opportunités, car chacun de ces cratères peut devenir un lieu de recherche et d'analyse minérale permettant de réaliser de nouvelles découvertes et d'élargir notre compréhension du Système Solaire.

 

Pour terminer, les deux sites 007 et 011 ont une configuration telle qu'il sera possible de communiquer avec la Terre pendant 60% du temps. Pour le reste du temps il faudra utiliser un satellite relais en orbite de la Lune. On peut alors imaginer un scénario dans lequel les données d'exploration et les résultats d'expériences lunaires sont quotidiennement transmis à la Terre pour permettre aux chercheurs du monde entier de faire progresser la science et de faire bénéficier aux terriens des avancées technologiques développées sur la Lune (comme on le fait déjà avec l'ISS).

 

Pour conclure nous avons vu que l'implentation d'une base sur la Lune cache un processus de sélection de sites très rigoureux et précis, indispensable à la survie de l'équipage et la réussite des missions, et que cela passe notamment par l'accès à des réserves d'eau, à une exposition à la lumière suffisante pour produire de l'énergie solaire, et autant que possible à une région topologiquement adaptée à l'exploration pietonne et véhiculée. Tout cela est en cours de réalisation pour permettre le retour de l'Homme sur la Lune et la création d'un avant poste lunaire d'ici la fin de la décennie qui rendra possible la projection de l'Homme vers des planètes encore plus lointaines !

 

À bientôt dans l'espace !

 

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